L’enjeu de la prochaine réforme de la Pac

Rédigé par ESA
Recherche - 3 novembre 2017

Cet été, Emmanuel Macron a reçu les syndicats agricoles dans un contexte de crises répétées et de difficultés de mise en œuvre de la dernière réforme de la Pac, politique agricole commune : retard de paiement des aides, discussions récurrentes sur leur répartition… Si la situation appelle des réponses rapides, il est nécessaire de poser les principes de la prochaine réforme de la Pac, qui s’appliquera après 2020, et d’analyser les réformes dans une perspective de long terme.

Lors de sa création en 1962, la Pac affiche des ambitions d’augmentation de la production, le marché européen étant alors déficitaire. Cet objectif a été atteint avec une politique d’incitation par les prix. Ensuite, dans un contexte de surproduction, les premiers objectifs environnementaux apparaissent (1992, mesures agro-environnementales). La réforme de 2000 amène l’éco-conditionnalité, et celle de 2014, le verdissement.

On constate aujourd’hui que les objectifs environnementaux de la Pac et les nombreux outils mis en œuvre pour les atteindre sont peu lisibles par les agriculteurs et les citoyens. Ils ne suffiront pas, à terme, à justifier une politique qui représente plus de 40 % du budget de l’Union européenne (2014-2020).

La prochaine réforme de la Pac peut être une opportunité pour inscrire l’agriculture européenne dans les grands défis environnementaux s’imposant au monde. Avec, en premier lieu, la lutte contre le changement climatique et la préservation des ressources naturelles, dont le sol.

 

L’environnement, un défi majeur

La contribution de l’agriculture à ces enjeux dépasse la stricte sphère agricole. L’initiative « 4 pour 1 000 » de la Cop21, mettant en lumière l’intérêt de renforcer dans le sol le stockage de matière organique, donc de carbone, illustre par exemple une action simultanément positive pour la production agricole et pour le climat. L’agriculture doit aussi diminuer son empreinte écologique (notamment en termes d’émission de gaz) et contribuer à la biodiversité.

Afficher de tels objectifs est possible. Mais le principal défi est leur appropriation par les agriculteurs et la mise en oeuvre d’outils de politiques publiques lisibles et applicables au niveau des exploitations. Les politiques d’investissement pourraient favoriser le développement d’outils technologiques innovants, au service d’une agriculture alliant performances économique et environnementale.

La prochaine réforme de la Pac devra encourager les exploitations à forte intensité écologique, pour la préservation de la biodiversité, pour la durabilité des sols et la lutte contre l’érosion, et pour la capture du carbone et de l’azote. Ainsi, les outils de politique publique (incitations, aides, taxes) devront être simples et lisibles, au service d’objectifs clairs et prévisibles en matière de production, d’emploi et d’environnement, dans une logique de résultats plutôt que de moyens.

Pour ce faire, des indicateurs synthétiques permettant de mesurer et d’objectiver les progrès réalisés par les agriculteurs sur les enjeux environnementaux devront être construits et partagés. Il faudra accepter que ces progrès se mesurent à moyen et long terme. C’est un défi majeur pour la recherche, pour l’agriculture et pour les consommateurs-citoyens.

 

Karine Daniel
Économiste, École supérieure d’agricultures à Angers, députée PS en 2016 et 2017, rapporteure pour la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale du rapport sur « l’avenir de la Politique agricole commune après 2020 ». (rapport 4549, fév. 2017).

 

Tribune publiée dans Ouest-France

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